L'origine la plus ancienne connue de ce site métallurgique à Pontchardon figure dans des écrits de l'abbaye Saint Wandrille datant de 1347 où il est fait état de fabrication de boulets de canons durant les guerres dynastiques Plantagenêt / Valois (dites "Guerre de Cent ans"). (Guerre de Cent ans)
En 1471, l'abbé de ce monastère permettra l'implantation d'une forge au bord du bief de la Touques à Pontchardon. Puis, l'abbaye baille à fieffe à Guillaume et Jehan Basire une terre jouxtant le bief du moulin des moines pour y construire une forge. (Arch.Dep. Seine Maritime 16H335). Plus tard, parmi la liste des maîtres de forge du bocage l'on trouvera à Pontchardon les noms de Robin Lamy l'aîné et de Robin Lamy le Jeune. Des documents relatent, sans plus de précisions, que fin 18ème début du 19ème l'activité industrielle de Pontchardon est en plein développement. On sait aussi qu'en 1835, avec les matériaux issus de l'ancienne église Saint-Georges a été construite une fabrique à papier sur la rive droite de la rivière. Bien que, depuis longtemps, dans la commune limitrophe de Canapville, existait déjà une importante fabrique de papier avec ses trois roues à aubes. La distorsion de concurence explique probablement la rapide disparation de cette fabrique de papier.
Du bas fourneau au haut fourneau
Au même endroit, en 1838, Monsieur Maillard fera contruire un "haut-fourneau" permettant la tranformation du minerai de fer en fonte (minerai issu de terres situées dans la proche région: Villers-en-Ouche et Le Sap). C'est que les ancêtraux "bas-fourneaux", sont progressivement remplacés par des haut-fourneaux" car ces derniers peuvent atteindre des températures de fusion du minerai de fer plus élevées capables de le fondre véritablement le rendant ainsi immédiatement utilisable à la fabrication d'objets "moulés" en fonte.
Le cheval de Saint-Georges
La petite histoire raconte à ce sujet que la nouvelle fabrique
avait reçu la bénédiction du curé du village au
cours d'une messe inaugurale au milieu des ouvriers et ce en dépit
du peu de confiance de l'assistance qui prédisait, sans se
cacher, que Saint Georges allait punir sévèrement ceux
qui avaient détruit son église pour s'emparer de ses
pierres. Or, les fourneaux à peine allumés, un arbre
de couche se brisa ! «Nous l'avions bien prédit. C'est encore le cheval de saint-Georges qui pousse une nouvelle ruade!» répétaient en choeur les Pontchardonnais. Il faudra bien que saint Georges se mette avec nous répondait le maître de Forge. Lorsqu'une autre pièce venait à casser, les
Pontchardonnais ne manquaient pas de faire observer que «
c'était le cheval de Saint-Georges qui avait fait ce dégât
en poussant encore une ruade. » Toutefois, comme cela ne se
reproduisit plus, les mauvaises prédictions cessèrent.
Les premières années
Pendant ces premières années, en raison de l'état déplorable des routes et chemins, les produits de l'usine étaient vendus et utilisés essentiellement dans la proche région. Ainsi, en 1860 la chronique mentionne qu'il fallait alors 16
chevaux chargés à dos pour assurer le transport du minerai de fer faute de pouvoir faire rouler des charrettes sur des chemins impraticables.
Au milieu du 19ème siècle, la fabrique produisait des articles de ménages, des pièces mécaniques, des tuyaux. Vers 1855, les ventes progressèrent et l'on transporta parfois par voitures jusqu'à Rouen. En 1860, on y produisait également des bâtis de machine à coudre Singer. Puis l'ouverture de la ligne Paris à Cherbourg viendra augmenter le trafic. Les trains passant à Ticheville roulaient alors jusqu'à la gare de Saint-Marc-Orbec (aujourd'hui Saint-Marc-de-Frêne).
Du haut-fourneau au cubilot
Le haut fourneau resta en activité durant trente ans. En 1868, il sera remplacé par un équipement plus performant nommé "cubilot". Car
à partir de 1860, date des traités de commerce avec
l'Angleterre, la concurrence devint telle qu'il
fallut renoncer à l'extraction du minerai de contrée et aussi moderniser l'outil de production.
A cette époque, malgré un coût très élevé du transport, la fonte
anglaise était de meilleur marché que la fonte obtenue ici même dans la région.
Peu à peu, la situation des routes s'améliore et, grâce à la gare de Ticheville située à 3km, l'usine peut doubler sa production tout en diminuant certains frais généraux. Au lieu de 16 chevaux, aujourd'hui 3 suffisent largement à transporter les 150 T de fontes ouvragées qui sont expédiées mensuellement dans toutes les directions, tant en France qu'à l'étranger. Journellement 7 à 8 tonnes de fonte de toutes sortes sont transformées en objets semi finis. Qu'en dit un rapport de la CDC du Pays de Camembert en 2009 qui cite ici un extrait du 9ème bulletin de la Société Scientifique Camille Flamarion de 1886:
«... nous avons assisté à l'une des coulées ordinaires. Deux cubilots servent à faire fondre les fontes brutes. Ils alternent chaque jour. Dès le matin, un ouvrier pénètre dans l'intérieur pour y faire les travaux de réparations nécessaires. Après cette opération le cubilot est à moitié rempli de coke et le feu est allumé. Le ventilateur et la soufflerie sont mis en mouvement par des roues hydrauliques. Lorsque le moment de la coulée est arrivé, un ouvrier spécialement chargé de ce travail, commence à jeter de la fonte par une ouverture pratiquée dans la partie médiane du cubilot. La fusion commence à la température de 1400°.
Quand la fonte coule, chaque ouvrier vient recueillir le métal liquide dans des creusets appelés cuillères. Il verse le métal dans des moules qu'il a faits pendant la matinée. La variété de ces moules est immense, attendu que la fabrique exécute non seulement les pièces qui sont la spécialité de la maison, mais encore n 'importe quel- objet d'après les plans ou modèles qui lui sont adressés.
Nous avons visité avec une extrême attention et un vif plaisir les magasins de l'usine. Nous y avons remarqué une infinité de pièces des plus variées. Une des plus importantes spécialités de l'usine est celle des instruments agricoles, charrues, rouleaux, des fontes de bâtiments: colonnes, tuyaux de descentes, fontes de fumisterie etc... Une grande quantité de pièces pour les pressoirs à cidre, des plaques de cheminée avec sujets variés et artistiquement fabriqués. Les pièces pour mécaniciens s'y trouvent en grande quantité ainsi que des gargouilles pour trottoirs, les articles de ménage et l'antique marmité normande qui est plus que jamais en usage dans nos campagnes.
Quand la ménagère sait bien les affaiter, le pot-au-feu et la soupe obtenus dans cette vieille marmite sont fort estimés des estomacs normands. A côté, on voit la petite casserole ou cocotte dans laquelle le civet de lièvre est si délicieux. П n'y a pas de famille, à la campagne, qui ne possède la collection complète de ces ustensiles indispensables.
On aperçoit encore une belle série d'auges à porcs, très appréciées de tous nos cultivateurs. Ces auges ont pour principal avantage d'être portatives. En outre, le petit lait que l'on donne à ces animaux et qui détériore si rapidement les auges en bois n 'a pas d'influence sensible sur la fonte de Pontchardon. Les contrées étrangères qui font le plus grand commerce avec l'usine sont les Antilles. C'est ainsi que chaque année des milliers de marmites sont expédiées à Haïti et dans les îles voisines.
Pontchardon est donc un site agréable, délicieux, un centre industriel de premier ordre qui mérite d'être visité avec attention par les touristes et les hommes qui s'intéressent au progrès scientifique. Un voeu en terminant, c'est que l'usine et le bourg soient bientôt éclairés à la lumière électrique.
D'après Eugène VIMON auteur local (extrait du 9ème bulletin de la Société Scientifique Camille Flammarion 1886 tome V).
1920 - Un industriel de Livarot
En 1920, Monsieur Leroy, industriel de Livarot spécialisé dans le bois, crée la société "Fonderie et Ateliers
de Pontchardon" (FAP). Vers 1925 l'usine s'agrandit :
construction de bureaux, conciergerie, atelier de réparation, magasins
industriels, installation d'une turbine, installation d'un moteur diesel entraînant une génératrice électrique. Construction de garages vers
1932.
Début des années soixante, la société des Fonderies et Ateliers de Randonnai (SFAR) absorbe la FAP. Elle emploie plus d'une centaine de salariés et produit environ 120 tonnes de fonte par mois pour atteindre peu de temps après 200 tonnes/mois. Les fabrications sont très diverses: carters et boites de vitesse de véhicules militaires (jeep), impulseurs, semelles de fer à repasser Calor, dessus de cuisinières, etc... D'autres entreprises se décentralisent et absorbées: parmi elles, la Fonderie de Vitry dont on retrouve le sigle et la marque déposée "FV" sur les pièces de robinetterie. En 1961, la fonderie de Gravigny fabriquant des réchauds, est également transférée à Pontchardon.
Le site de Pontchardon s'agrandit à l'occasion de ces transferts. Des vestiaires, douches et une infirmerie sont construits en 1963. D'autres petits changements : l'habitation du gardien est devenue local syndical, les bureaux des réfectoires, «la caserne» réservée au logement des ouvriers est détruite et le mur extérieur consolidé avec des parpaings. Dans les années 70, les bureaux sont déplacés route de Canapville. A l'extérieur, un parking aménagé spécialement pour les voitures des ouvriers. Derrière la Fonderie, sont construits les ateliers fonte et bronze qui fabriqueront des robinets, des hélices de bateaux, etc.. Au milieu des années 70, la production de fonte atteindra 1300 tonnes par mois avec un effectif de 450 salariés.
PAMCO IndustriesPuis c'est le dépôt de bilan de la SFAR en 1980. L'usine est reprise par PAMCO Industries. Elle produit mensuellement 1150 à 1200 tonnes de pièces en fonte et 30 tonnes de bronze. Son principal client est la Lyonnaise des eaux. Elle utilise l'énergie thermique et électrique. L'usine consomme 3000 tonnes de fonte de Lorraine et 8600 tonnes de ferraille de la région.
En 1980, l'usine de Randonnai ferme et celle de Pontchardon est confiée en location-gérance à la SARL PAMCO crée le 13 octobre 1980 par Mr Philippe-André Meyer qui a baptisé la société d'un nom issu de ses initiales. En début d'année 1981, la SARL change de statut et devient SA PAMCO Industries au capital de 1 million de Francs. Le 25 mars 1986, la SA se porte acquéreure de l'usine qui intègre alors le Groupe CF2M. Le 28 juin 1989, son capital est augmenté à 4 millions de francs. Depuis le 1er Janvier 1995, la SA PAMCO Industries a fusionné avec la CFFC de Rochefort (Compagnie Française des fontes en coquille) elle-même étant dans la sphère CF2M.
La SCOPCourant 2006, la situation de l'usine a beaucoup inquiété les Pontchardonnais. Après 10 mois de redressement judiciaire, en avril 2007, l'entreprise a été reprise par une partie des ouvriers et cadres sous la forme d'une Société Coopérative de Production (SCOP). La différence entre une entreprise classique et une SCOP, c'est que les salariés deviennent alors des associés, donc co-entrepreneurs et élisent donc leur direction et le Conseil d'administration. L'objectif premier est la pérennité de leur emploi donc de leur entreprise. Implantée dans leur territoire, elle n'a pas d'objectif de délocalisation, d'ou développement d'une autre culture nécessitant une implication forte des salariés.
195 ouvriers seront maintenus dans la SCOP. 55 feront l'objet d'un plan de restructuration, principalement des départs en pré-retraite. Des commerciaux seront par ailleurs recrutés car ce volet était géré par les anciens propriétaires de PAMCO Industries. De nouvelles machines d'ébarbage seront installées de juin à septembre 2007. Mais, en 2009, la Fonderie en tant que telle est mise en liquidation judiciaire. Plus de 220 salariés sont au chômage. La crise touche Pontchardon, chaque Pontchardonnais et toute la Communauté de Communes du Pays de Camembert.